La célèbre citation d’Isidore de Séville (565-636) « Nisi enim ab homine memoria teneantur soni, pereunt, quia scribi non possunt » [« s’ils ne peuvent être retenus par l’homme dans sa mémoire, les sons périssent, car on ne peut pas les écrire », Étymologies, livre 3, 15,2.] légitime notre engouement depuis le milieu du xixe siècle pour la paléographie des notations musicales du Moyen Âge. N’oublions pas toutefois qu’au moment où Amalaire témoigne vers 830 l’usage du neume triple dans certains répons de l’Office [Amalarius, Liber de ordine antiphonarii, 3e livre.], vont s’élaborer les prosules et les tropes les plus magnifiques de la composition musicale européenne d’alors : les chantres ont réussi à fixer un véritable répertoire européen de chants pour les liturgies latines dans l’oralité, sans que les systèmes de notation ne soient encore mis en place, n’aient ni atteint un degré de perfection qui ne s’élaborera qu’aux xe et xie siècles…

Voici donc une devise qui sous-tend toutes mes démarches de recherches, en quête d’une dialectique complexe entre l’oralité et l’écriture, qui permettrait d’aller bien plus loin que les travaux de Dom Cardine, trop systématiquement associés à une interprétation très académique du chant grégorien et des traditions latines, excessivement dépendantes d’une vision romantique et conventionnelle de la musique dite ‘classique’.